Un peu de calme [libre]

Le soleil commençait à peine sa descente vers l'horizon et le ciel était barré de rayons oranges et dorés. Les jardins de Niphredil étaient comme baignés sous une pluie de lumière vive qui s'étalait en flaque ici et là, alternant avec des zones d'ombre. Le tout dessinait comme des arabesques sur l'herbe toujours verte du parc. Ici, tout embaumait. En Hiver comme en Eté, les fleurs se succédaient comme pour s'assurer que jamais les vastes allées des jardins ne meurent. Niphredil elle-même semblait bénir les lieux pour faire perdurer la floraison.

Mais dans ce cadre que certains pourraient qualifier d'idyllique, une âme aussi morte que la pierre jetait une ombre par sa seule présence. Les cheveux aussi flamboyants que les zébrures qui apparaissaient de le ciel, la femme avançait d'un pas lent et tranquille. Les bras dans le dos, elle mimait la démarche tranquille et aérienne d'une enfant sage qui traverserait le parc en chantant à tue tête :

" Prom'nons nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas... "

Lavernne n'avait pas encore posé son regard de glace sur le lycan mais elle venait dans sa direction. Elle le suivait depuis un moment, depuis son entrée en ville. Ses sens aiguisés avaient tout de suite reconnu en lui un de ceux qu'on opposait souvent à la race vampire. Et elle ne doutait pas une seconde que Myke ferait le même constat qu'elle. Seulement, elle ne se considérait pas vraiment comme une vampire ; elle ne l'était qu'à moitié par le sang. Son côté humain lui permettait d'éviter quelques désagréments que subissent habituellement les vampires. D'ailleurs, le soleil qui caressait ses traits n'altérait en rien son physique. Au contraire, sa lumière semblait sublimer la pâleur de son visage qui contrastait fortement avec sa chevelure de feu.

S'approchant toujours, elle continuait de chantonner d'une voix pleine de sarcasme. Ses yeux se posèrent enfin sur le nouvel arrivant en ville et il fut incontestable qu'elle le pistait bien :

" Si le loup y était, il nous man-ge-rait... " termina t elle alors.

Lavernne s'était plantée devant le nouvel arrivant en ville et le fixait sans ciller, un sourire moqueur et plein d'une suave ironie flottant sur ses lèvres. Elle avait toujours les bras croisés derrière son dos, comme une petite fille qui joue les enfants sages. Cependant, elle n'avait vraiment rien d'une enfant sage.

Sa tenue, déjà, n'était pas celle d'une enfant de coeur : pantalon de cuir noir et corset taillé dans la même matière, ainsi que de longues bottes qui enserraient ses mollets. Tout semblait être contraste sur elle ; elle aurait pu avoir le visage d'une jeune femme douce, avec sa pâleur de lait et la crinière flamboyante qui rendait ses traits lumineux. Mais la froideur de son regard de glace et cette tenue sombre qui mettait en valeur le galbe de ses seins et la ligne de ses hanches, la placaient immédiatement dans les créatures des bas fonds.

" Qui te dit que je cherche quelque chose de spécial de toi ? " répliqua t elle d'une voix douce mais gorgée de raillerie mesquine.

Elle fit quelques pas de plus dans sa direction, sans cesser de le fixer.

Elle ne s'était pas posée la question du tutoiement : elle tutoyait tout le monde, du moins toutes les personnes qui entraient dans sa ligne de mire.

" En réalité, je voulais surtout savoir qui était ce nouveau joueur en ville... " déclara t elle.

Joueur ou pion dans sa cour de récréation personnelle ? Elle l'ignorait encore, tout dépendrait de la réponse de Myke...

Lavernne semblait toute attentive à la réponse de l'homme face à elle. Elle ne se départissait pas de son petit sourire en coin et ses yeux brillaient d'une lueur malveillante. Elle semblait espérer qu'il lui confirme qu'il serait un adversaire de choix - parce que Lavernne aimait le jeu et la "concurrence". Mais au contraire, il lui fit comprendre qu'il n'était pas de cet accabit-là.

Faisant mine d'arborer une expression dubitative et déçue, Lavernne posa un doigt fin et pâle sur ses lèvres. Elle leva les yeux dans une attitude de réflexion, comme si les paroles de Myke lui avaient donné matière à se plonger dans ses pensées.

" Vraiment ? " demanda t elle, faussement étonnée.

" Quelles peuvent être les motivations d'un lycan pour venir se perdre parmi les humains dans une ville pareille ? "

Toute son attitude sonnait faux. Elle ne s'intéressait pas vraiment aux raisons véritables de l'homme mais elle cherchait à faire un rapide portrait de ce nouvel arrivant. Elle voulait savoir à quel type de concurrent elle avait affaire, ou, si la situation se révélait telle, quel type de jouet elle pouvait exploiter par la suite.

Elle n'essayait cependant pas de paraître plus douce ou moins suspecte aux yeux de Myke. Elle était manipulatrice quand elle le voulait, mais elle aimait donner le ton et montrait assez clairement quand elle avait de mauvaises intentions. Ses armes de manipulation étaient plutôt la peur et la crainte.

Cette réponse ne satisfaisait pas la vampire mais elle sentait qu'elle devrait s'en contenter... pour l'instant. Si le lycan ne voulait pas parler, elle pourrait bien trouver des chemins détournés pour répondre elle-même à ses propres questions, ce n'était pas vraiment un problème pour elle .

N'étant cependant pas décidé à laisser du terrain, c'est avec sa verve habituelle et son ironie mordante qu'elle répondit, feintant une expression à mi-chemin entre le sérieux mortel et l'amusement sincère :

" Je joue à cache-cache... "

Même si sa réponse semblait être une moquerie pure, elle avait cependant un fond de vérité ; Lavernne jouissait des avantages qu'un vampire "traditionnel" n'avait pas : elle supportait sans problème la lumière du soleil, les croix, l'eau bénite et tous les artefacts habituellement utilisés contre les vampires ne lui faisaient aucun effet... Elle n'était même pas obligée de se repaître de sang humain pour survivre. Elle était une paria aux yeux du reste des vampires ; ils l'avaient d'ailleurs chassé de leur clan, craignait l'ascendant qu'elle pourrait prendre sur eux avec une telle avance physique...

Pour elle, il était donc un jeu d'enfants de se glisser parmi les humains. Pour mieux se trouver des jouets, pour mieux les observer et choisir la brebis la plus faible du troupeau, rien ne vallait une excursion directe dans la bergerie. Elle pouvait aisément se cacher parmi eux et se faire passer pour une citoyenne lambda... Si elle n'avait pas besoin de boire du sang, elle nourrissait cependant un sérieux penchant pervers et sadique. En particulier avec les femmes...

Si question cruauté, elle faisait jouir les deux sexes d'une égalité parfaite, elle devait bien avouer qu'elle préferait tout particulièrement les jeunes femmes, parfaites petites sourires innocentes qu'elles aimaient entendre couiner d'effroi avant de refermer sa patte de prédateur sur elle.

" Aïsthèsis est... mon terrain de chasse du moment... Je m'y cherche quelque distraction. C'est mieux ainsi que de se terrer toute seule dans une cave humide et froide "

Son regard balaya un instant le parc, comme si elle cherchait d'ailleurs la prochaine victime à son menu. Puis elle ajouta :

" Mais puisque tu ne sembles pas enclin à marcher sur mes plates bandes, je n'aurai pas le plaisir de te faire concurence. En revanche, j'aurai peut-être le plaisir de t'ajouter à ma liste de chasse... ^^ "

Lavernne éclata d'un rire sincère et franchement amusé. Le lycan avait tout à fait le genre de réaction qu'elle attendait. Elle ne montrait aucun manque de confiance en soi, son arrogance montrait très clairement qu'elle ne se laissait pas aller à ce genre de "faiblesse". Elle cherchait l'embrouille, le danger, le risque, toutes ces choses qui rendaient sa vie - ou plutôt sa non existence - excitante.

" Vilain fripon, me faire de telles avances alors qu'on se connait à peine... " railla t elle.

* *

Elle le fixa avec un regard d'une moquerie perverse. Finalement, il ne serait sans doute ni un concurent ni un jouet, mais sans doute quelque chose entre les deux. Elle sentait qu'il contenait sa colère et elle s'amuserait certainement beaucoup à essayer de le pousser à bout.

C'était ce qu'elle aimait le plus dans le jeu du chat et de la souris : qu'importe le moment où le chat achève sa pauvre victime après avoir bien jouer avec lui. Ce qui l'intéressait le plus, ce qui l'amusait et lui tirait le plus de satisfaction, c'était de voir la souris être poussée dans ses derniers retranchements. Chacun avait une façon différente d'appréhender la chose : certains étaient effrayés, d'autres cherchaient à lutter. Pour Myke, elle espérait bien arriver à le faire sortir de ses gonds. Elle n'attendait que cela...

" J'espère sincèrement que ton séjour ici sera long et des plus animés... " lança t elle alors avant de rire de nouveau.

Ce rire avait quelque chose de malsain : il avait tout du rire clair et cristallin de n'importe quelle femme, un rire qui, d'apparence, n'avait rien de pervers. Mais on aura bien compris que Lavernne n'était pas n'importe quelle femme et que ce rire avait tout de pervers...

Lavernne ne remarqua pas la petite absence de Myke, elle mit son bref silence sur le compte qu'il cherchait quoi répondre. Elle ne le quittait pas des yeux, ne clignant même pas des paupières comme si elle ne voulait pas lui laisser le temps de s'éclipser pendant le très bref instant que cela pourrait lui offrir. Elle semblait cependant devenir un tantinet impatiente ou bien était-ce de la déception. Elle avait pensé qu'il allait finir par s'énerver pour de bon mais au bout d'un moment, il sembla se calmer et rejeter sa colère.

Elle croisa alors les bras, en position d'attente, observant chacune de ses réactions et guettant la moindre petite mimique sur son visage qui aurait pu le trahir d'une quelconque manière. Mais si elle était une adepte des sourires en coin et des regards moqueurs, le lycan semblait plus versé dans les attitudes froides et méfiantes. Attitude compréhensive en soi étant donné qu'elle lui donnait toutes les raisons de se méfier. Elle lui faisait très clairement comprendre qu'elle comptait engager un jeu de chasse entre eux et il avait une réaction des plus sensées ; il répondait à son défi et ne montrait aucune peur, aucun doute.

Si ça avait été le cas, la vampire se serait lancée dans une chasse bien plus perverse encore...

" Ah la Milice Ils donnent l'impression de beaucoup bouger mais ils brassent plus d'air qu'autre chose... Ils n'ont même pas réussi à mettre la main sur le tueur en série qui sévit depuis plusieurs semaines... Alors de là à nous causer des ennuis, à nous autres... "

Elle réprima un rire moqueur mais n'empêcha pas un sourire des plus amusés de se frayer en chemin sur ses lèvres. Elle semblait prendre un malin plaisir à voir la débacle de la Milice face au tueur en série qui avait transformé Aïsthèsis la Belle en Aïsthèsis la Sanglante.

Elle avait déjà eu l'occasion d'être témoin de la découverte des cadavres... et elle avait d'ailleurs mis son grain de sel histoire d'embrouiller un peu plus les pistes.

Prenant un air très sérieux, comme si elle s'apprêtait à disserter sur l'art et la manière de passer inapperçu aux yeux de la Milice, elle commença à aller et venir, faisant de très courts allers et retours devant l'homme. On aurait dit qu'elle allait donner un cours à Myke. Les bras croisés, l'air très sérieux, elle avait perdu ses airs sarcastiques.

" Il faut savoir prendre des risques dans la vie... Mais je suis presque persuadée que même sous cette forme, tu peux distancer la Milice sans aucun problème... "

Elle s'arrêta un instant, un doigt sur les lèvres, et posa les yeux sur l'homme dans une expression de reflexion. Mais une lueur de malice restait dans son regard et on comprenait donc bien qu'elle continuait à jouer. Elle eut un léger sourire puis poursuivit :

" Mais entre nous, si tu ne supportes pas ta forme de loup, pourquoi rester ici ? Certaines causes exigent parfois qu'on soit capable de faire des sacrifices... En seras-tu capable ? "

Sa voix se teinta d'une once de moquerie à mesure qu'elle parlait, jusqu'à se montrer de nouveau carrément sarcastique lorsqu'elle lui posa sa question. Elle continuait à le tester, elle voulait savoir jusqu'où il serait capable d'aller. Elle n'avait pas réussi à le faire sortir de ses gonds mais rien n'était perdu.

Tout bien réfléchi, elle songea qu'il serait sans doute plus drôle de faire monter la pression et la colère graduellement. Elle verrait combien de temps il arriverait à se contenir. Il lui donnait de nombreuses clés pour y parvenir, il semblait être assez enclin aux confidences et très aisément. Elle n'avait presque pas besoin de poser les questions, il s'épanchait de lui-même.

Son sourire ironique revenu sur ses lèvres, une lueur perverse dans le regard, elle avait arrêté d'arpenter la pelouse et le fixait de nouveau sans ciller.

[Petite remarque sur la fin de ton post : attention, tu n'as pas le droit de faire agir un personnage autre que le tien. Même pour une petite action qui ne te semble pas bien importante ^^ Tu as une chance sur deux de te planter sur les intentions du personnage d'un autre joueur (comme c'est le cas ici ). Ou si cette action te semble importante pour ce que tu veux faire, envoie un MP à la personne concernée pour éviter les quiproquos Merci.]


Lavernne haussa un sourcil, non pas surprise par ce soudain changement de personnalité - il en allait souvent ainsi avec les hybrides - mais plutôt... déçue par autant de... grossiereté. Mais ça aussi, ça faisait parti du lot des hybrides schizophrènes. Ils avaient presque tous une manière assez peu subtile d'aborder les choses. La présomption et l'arrogance étaient aussi des qualités ( ) qu'elle possédait mais il y avait l'art et la manière de les doser. Etait-ce purement masculin ou purement animal ? Elle n'aurait su le dire...

Elle ne s'incorporait cependant pas dans cette catégorie des vrais hybrides, elle n'avait pas deux personnalités distinctes. Elle n'était ni humaine, ni vampire à ses yeux. Elle était une sorte de créature à part, douée de sa propre raison et agissant de son propre chef. Elle n'avait pas à obéir à d'humiliantes contraintes que sa condition lui imposait. Elle suivait seulement ses propres désirs, ses propres aspirations, sans se soucier du reste.

Même si elle débordait encore de suffisance dans sa simple manière d'être, son regard s'était fait un peu plus grave. Elle comprit assez rapidement le lien de cause à effet entre le collier et ce changement de personnalité qui s'accompagnait aussi d'un changement physique. Cependant, quelque chose la fit rire au milieu des paroles de l'homme :

" Ha ! Mais quel intérêt aurai-je à vouloir ôter ce collier de toute manière ? Je préfère de loin être le chasseur que le gibier... " répondit elle avec une ironie froide et mordante.

" J'espère que tu as du flair, Brutus, parce que je bouge beaucoup. Prends garde à ne pas rester dix kilomètres derrière... "

Elle éluda sa question à propos de son identité de la manière la plus simple qu'il soit : elle n'y répondit tout simplement pas. Elle n'allait pas non plus décliner tout son curriculum vitae devant lui, elle n'était pas si sotte. Et puis quel intérêt de connaître leurs noms respectifs ? Ils n'avaient pas besoin de ça pour se traquer...

Devinant que cette facette de Myke serait bien moins intéressante à titiller, Lavernne fronça légèrement les sourcils. Elle sentait qu'elle pourrait se lasser bien vite de ce petit jeu. Puis son regard s'illumina tandis qu'une idée germait dans son esprit.

Finallement, peut-être arriverait-elle à rendre cette partie de cache-cache un peu plus attrayante par la suite...