[Sanglante] Les oiseaux qu'on met en cage...

Cela faisait un peu plus d'une heure qu'on avait arrêté Magdalena Dashwood. La jeune fille n'avait toujours pas été interrogée, on l'avait seulement mise dans une petite cellule en attendant. On avait libéré ses poignets des menottes magiques mais sa prison de verre était construite du même matériel qui empêchait l'utilisation de la magie.

Selena avait été avertie longtemps après l'arrestation de sa soeur. Elle s'était aussitôt mise en colère et n'avait pas attendu d'avoir fini de corriger ses devoirs pour se diriger vers le poste de surveillance. Elle était hors d'elle, outrée qu'on puisse accuser sa soeur sans même en avoir la preuve. Bientôt, elle rentrait en furie dans le poste, hurlant qu'elle voulait voir sa soeur et qu'elle voulait parler au responsable de cette incroyable erreur judiciaire.

Mais comme personne ne répondait, elle se mit à appeller sa soeur en espérant que cette dernière lui réponde et qu'elle puisse la voir :

" Magda ? Tu es où ? C'est Selena ! "

Deux miliciens tentèrent de la calmer alors qu'elle cherchait Magdalena, comme une furie.

"Grande soeur !"


cria une petite voix, perdue dans les profondeurs des geoles. Magdalena était dans une cellule sombre et humide, à genoux, tenant les barreaux entre ses mains tremblantes. Cela faisait plusieurs heures qu'elle gisait ainsi dans le froid et la peur. Les gardes de la milice ne lui avaient pas même donné un verre d'eau, elle était traitée comme une coupable que l'on a hâte de supplicier.

La jeune fille avait entendu les accents rassurants de sa soeur, et elle cria son nom pour l'attirer à elle. Elle ne voulait pas rester seule dans un endroit pareil. Dans la panique, elle était persuadée que sa grande soeur pourrait la sortir de ce mauvais pas.

Ha, et aussi : Magdalena se jurait de ne plus jamais porter de chapeau à ruban.

Selena suivit le son de la voix de sa soeur et descendit comme une tornade la floppée de marches qui menaient aux cellules des prisonniers. En quelques secondes, elle fondit sur les barreaux qui retenaient Magdalena prisonnière.

" Magda, est-ce que ça va ? Ils ne t'ont pas fait mal au moins ? " s'inquiéta t elle.

Sa voix n'était plus pleine de colère mais empreinte d'anxiété. Pourtant, ses yeux étaient toujours animés d'une lueur furieuse, scandalisée qu'on puisse traiter ainsi une jeune fille de tout juste 15 ans.

" Mademoiselle, vous ne pouvez pas rester là... " s'avança un milicien en saisissant Selena par l'épaule.

Mais elle l'envoya paître bien comme il faut, retrouvant très vite son air menaçant et hors d'elle. Les poings sur les hanches, elle le toisa du regard.

" Vous, allez me chercher votre supérieur et on verra après... "

Elle se désintéressa aussitôt de lui pour se tourner vers sa soeur. Elle eut le coeur brisé, elle ne l'avait jamais vu aussi vulnérable qu'en ce jour. Elle eut même un sentiment de remord, elle se sentait coupable d'avoir cédé et de l'avoir fait rentrer aussi tôt à l'université.

Magdalena n'avait pas la force de se relever, même pour faire semblant, elle chuchota d'une voix tremblante :

"Il y a des énormes rats là dedans ! Les gardes m'ont dit de les manger si j'avais vraiment faim ! Ils sont fous ! Cela ne leur suffit pas de me traiter comme une gueuse, ils voudraient que j'attrape la peste..."

Elle éternua, et ses épaules furent secoués d'un long frisson. Elle parvenait tout juste à retenir ses larmes : la présence de sa soeur la rassurait mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une grande honte.

Entre temps, le milicien avait appelé son supérieur hiérarchique et la femme qui avait fait emprisonné la jeune fille se présenta à eux. Elle avança vers Selena, le regard fixe et convaincu :

"Que voulez-vous ? Les visites ne sont pas permises pour des suspects de premier ordre !"

énonça-t-elle durement.

" Des suspects de premier ordre ? " s'étrangla Selena.

" C'est ma soeur qui enfermée dans ce clapier insalubre, elle n'a que 15 ans ! Sur quoi vous appuyez vous pour l'inculper ainsi ? Et de quoi l'accuse t on au juste ? "

Elle se tourna vers sa soeur comme pour vérifier que les rats ne l'avaient pas encore dévoré. Puis elle se focalisa à nouveau sur la femme. Elle était hors d'elle. Qu'on l'inculpe, elle, elle s'en fichait bien ! Mais pas Magdalena, pas sa soeur. Pas la personne au monde qui comptait le plus à ses yeux. Elle n'acceptait pas cela.

" Enfermez moi à sa place si ça vous chante, je suis sa tutrice ! Ou dites moi à combien est fixée sa caution, je payerai... " dit elle, déterminée.

Elle avait cependant l'impression de s'adresser à un mur. Ses protestations semblaient se heurter à une barricade de visages fermés et elle doutait réussir à avoir gain de cause.

"Vous ne serez pas enfermée à sa place..."

répliqua la femme d'un ton austère.

"Cependant..."

Son visage prit un air sardonique.

"Nous pouvons vous mettre ensemble dans la cellule..."

"Laisse tomber, grande soeur !" intervint la jeune fille, "ça ne servirait à rien..."

La milicienne jeta un regard plein de dégoût vers Magdalena avant de reprendre d'un ton didactique :

"Nous l'accusons du meurtre sanglant survenu avant-hier... Le ruban de votre soeur a été retrouvé sur les lieux du crime, tâché du sang de la victime. Nous n'écartons aucune piste, c'est tout. Ce n'est pas quelques heures en cage qui vont la tuer !"

Elle croisa les bras et releva la tête, ses yeux brillant d'une autorité féroce : elle ne souffrirait pas d'autres remarques :

"A présent, sortez d'ici, et laissez la suspect en paix, personne ne doit lui parler, et encore moins sa tutrice ! Nous ne voulons pas que des preuves disparaisses de façon... étrange."

Magdalena leva vers sa grande soeur un regard embué, elle était pétrifiée, malgré ce qu'elle avait pu dire. Elle pensait faire un cauchemar et espérait se réveiller... en vain.

Selena crut qu'une chappe de plomb venait de dégringoler dans son estomac. Elle n'avait pas entendu que les charges portées contre sa soeur étaient aussi graves. Elle en resta muette d'étonnement pendant un instant. Cela dépassait l'entendement, elle avait l'impression qu'on venait de lui envoyer une gifle en plein visage. Elle était... sonnée...

" Je croyais que c'était une criminelle de première ordre ? Et pas une simple "piste" ? " gronda t elle quand elle eut reprit ses esprit.

Mais Magdalena avait raison, elle ne pouvait rien y faire. Cette milicienne n'en démordrait pas et elle ne pourrait pas faire sortir sa soeur. Du moins, pas de cette façon...

" Qui sont les personnes en charge de cette enquête et ont soit disant prouvé que le ruban sur la scène du crime était bien celui de ma soeur ? " demanda t elle en croisant les bras.

Une idée venait de germer dans son esprit à la dernière réplique de la femme. Ce serait peut-être un peu gros, peut-être un peu risqué, mais elle ne voyait pas d'autre issu. Elle priait pour que Nathaly ait un lien, même indirect, avec l'enquête.

Si Selena avait été un boeuf, on aurait entendu le souffle lourd qui serait sorti de ses narines. Mais elle avait maintenant l'information qu'il lui fallait et il lui restait un petit espoir. Même s'il était mince, elle voulait tout de même prendre le risque de tenter le coup. Si cela pouvait aider à faire libérer sa soeur.

Elle se retourna quelques instants vers sa soeur et eut un regard désolé. Mais ses yeux étaient aussi emplis d'une certaine détermination et Magdalena la connaissait assez pour se douter qu'elle ne laisserait pas tomber l'affaire. Elle serra les poings, à la fois d'énervement et de détermination. Elle défia encore une fois la milice du regard pour lui faire comprendre que la partie n'était pas terminée. Pour son austérité et son manque de compréhension, elle lui aurait bien retourné une bonne mandale. Mais elle risquait de rejoindre sa soeur, et pour l'heure, elle devait s'occuper de la faire sortir de là.

Telle une furie, elle sortit des geôles et remonta au poste. Une fois dehors, elle se dirigea tout droit vers la maison de guérison.


[ Maison de guérison]