Un rôdeur dans la nuit [Appart Gareth] [Gwenliann] [Sujet câlin]

Gwenliann passa un bras par dessus le torse de Gareth comme pour affirmer sa possession sur lui encore quelques instants. Un léger sourire s'égara sur ses lèvres à la question du jeune homme. Sans ouvrir les yeux, elle répondit d'une voix taquine :

" Tu veux dire quand tu m'as laissée le temps de dormir ? "

Elle ouvrit doucement les yeux et leva son regard vers lui, souriant toujours. La vue du matin qui se levait fana cependant quelque peu son enthousiasme. Elle aussi savait qu'une fois qu'elle aurait passé la porte de l'appartement, il y aurait peu de chance pour que cette histoire débouche sur autre chose que de nouvelles prises de bec à répétition. Mais elle ne regrettait cependant pas cette nuit, au contraire. Du moins pour l'instant. Elle n'avait jamais passé un moment aussi passionnel, même dans les bras d'autres hommes. D'ailleurs, elle n'en avait pas connu tant que cela. Tous des Eile. Leurs relations charnelles étaient restées dans le strict respect de la tradition... mais avaient été toutes dénuées de véritable amour ou même de véritable désir.

Fermant de nouveau les yeux, elle cala sa tête au creu de son cou en soupirant légèrement. Elle s'abreuvait de ces dernières minutes passées dans les bras de Gareth, respirant son parfum... peut-être pour la dernière fois...

Gareth sourit un peu plus largement à cette réponse et la serra un peu plus contre lui, continuant d'effleurer ses cheveux avec douceur. Si seulement le soleil pouvait se recoucher tout de suite... C'était bien la pensée qu'il avait là. Comment pouvait-il retourner au travail sereinement avec cette nuit? Comment allait-il pouvoir la recroiser sans exprimer une gêne? Comment...

Il soupira, ne sachant quoi faire. Et si pour le moment... il attendait que leur dernière heure de sursis ne s'écoule, en profitant de la chaleur de Gwenliann? Après sans doute, faudrait-il se dire "adieu", et retourner vaquer à ses occupations quotidiennes en essayant d'oublier tout ça. Sans doute reprendront-ils leurs disputes de plus belles...

Mais, jamais il n'avait été porté par un feu aussi puissant de désir qu'à cet instant dans les bras de Gwenliann.

"Gwenliann..."

La jeune femme rouvrit les yeux à l'entente de son nom. Mais elle ne souriait plus. Elle avait l'impression que dans ces trois syllabes, tout le poids de sa vie passée et de ses origines faisaient écho à ses oreilles. Déjà, ses entrailles se nouaient d'appréhension à l'idée de ce qui pourrait arriver plus tard. Pourtant, elle le savait. Cela ne pouvait pas durer. Elle l'avait su avant de s'embarquer dans cette histoire et rien n'y changerait.

Elle se redressa légèrement, s'appuyant sur un coude pour pouvoir observer son visage. Etrangement, elle se fichait bien qu'il la voit encore complétement nue. Elle aurait tout le temps d'en avoir honte plus tard... quand elle le croiserait dans les couloirs et qu'elle repenserait à cette nuit...

" Oui ? " demanda t elle, attendant qu'il poursuive.

Elle plongea son regard vert d'eau dans le sien, d'un bleu profond. Et pendant un instant, elle revit les tendres moments qu'ils avaient vécu. Elle revit aussi les temps qu'ils avaient passé ensemble quelques années auparavant. Leur complicité, leur amitié. Tout s'était terminé brusquement. A cause d'elle. Elle sentit alors la confusion commencer à s'emparer d'elle et le doute qu'elle avait rejeté toute la nuit refaisait surface... sournoisement...

Gareth resta un moment silencieux avant de formuler sa phrase. En fait il cherchait ses mots pour exprimer ce qu'il ressentait, en vain. Comment pouvez-vous dire à une femme avec qui vous avez passé une magnifique nuit, qu'il n'y aura pas de lendemain. Devait-elle s'en douter car un voile de tristesse tombait sur son visage. Il l'effleura avec douceur et sourit.

"Prendrais-tu le petit-déjeuner avec moi?"

Voilà, il préférait retarder l'échéance. Après tout, si ce n'était pas lui, c'était sans doute elle qui en parlerait. Il doutait fortement qu'elle ait envie d'entamer une relation longue et sérieuse avec lui, et lui-même n'était pas sûr de ce qu'il voulait. Car il était séduit par Selena, lui faisant même des avances. Et maintenant, après cette nuit avec Gwenliann, il ne savait plus vraiment où il en était.

Il remonta un peu le drap sur leur corps, car il pensait que la pleine vue de leur corps nus gêneraient Gwen. Ils étaient dans le noir depuis le début... Mais même en plein jour elle était sublime.

"Il nous faut une peu de forces pour attaquer cette nouvelle journée de travail..."

Un léger sourire perça le voile qui avait recouvert son visage l'espace d'un instant. Même si Gareth les ramenait tous deux à leur banal journée de cours qui les attendait, à ce présent terre à terre qu'il allait falloir rejoindre, sa proposition de poursuivre cette matinée ensemble lui remit un peu de baume au coeur.

Mais aussitôt, elle songea qu'il valait mieux jouer franc jeu dès le départ. Ne pas se bercer d'illusions soi-même et jouer carte sur table. Elle aussi avait ses secrets, elle aussi avait de quoi rougir de cette nuit de volupté qu'ils avaient volée. Pour l'instant, ils ignoraient chacun la teneur de leurs secrets respectifs. Mais Gwenliann sentit qu'il fallait abréger la situation au plus vite, elle devait lui dire...

" Toya... Il faut que je t'avoue quelque chose... "

Même si elle savait pertinemment qu'il ne supportait pas ce nom, elle y restait attachée. Parce que c'était le nom sous lequel elle l'avait connu, le nom de celui qui était devenu son ami, son confident presque. Pour elle, il resterait Toya...

Elle se redressa un peu plus pour s'assoir, lui tournant ainsi un peu le dos. De cette manière, elle espérait qu'il ne voit pas le désarroi qui se peignait sur son visage. Elle serra les draps contre elle pour cacher en partie sa nudité. Ses cheveux cascadaient dans son dos, comme un voile pudique entre son corps et lui.

Gareth soupira, observant les rayons du soleil qui tombait dans la chambre. Il voulait se dire exactement la même chose, mais aucun n'osait ne le dire. On avait peur? Peur de quoi? De briser cet instant magique? De retourner à la dure réalité? Ou bien de s'avouer des choses trop personnelles... Ces questions se bousculaient dans sa tête, tandis qu'il continuait de caresser ses cheveux.

"Que veux-tu me dire?"

Il n'avait même pas réagi à l'entente de son vrai prénom. A vrai dire, elle était la seule qui en avait le droit selon lui. Elle avait vu sa transformation, le Toya Kannagi sous l'emprise du clan, et Gareth, libéré de ses chaînes. Alors, pourquoi l'empêcherait-il de l'appeler ainsi. C'était son vrai nom... celui que ses parents lui avaient donné à la naissance. Cette famille qu'il détestait tant.

*Comment sommes-en nous arriver là?*

Son visage fut également voilé de tristesse, et il déposa un baiser sur ses cheveux fins.

Gwenliann soupira, elle cherchait ses mots. Si dans d'autres circonstances, elle se fichait bien de l'impact qu'ils pouvaient avoir sur les autres, elle était plutôt du genre direct. Mais dans ce cas-là, elle ne voulait pas paraître trop rude, pour ne pas le blesser... ou se blesser elle-même ?

" Je... je pense qu'il faut qu'on oublie ce qu'il s'est passé cette nuit... " dit elle, hésitante d'abord, puis son ton se faisant de plus en plus assuré.

Elle tourna son visage à demi vers lui, quelques mèches ondulées dissimulaient en partie ses traits mais son regard était bien franc et vif tandis qu'elle le plantait dans le sien.

" Je suis fiancée à quelqu'un... " avoua t elle finalement.

Elle s'abstint toutefois de préciser qu'elle ne connaissait même pas ce prétendant. Et elle espérait qu'il ne soit pas trop curieux à ce sujet, car elle se sentirait obligée de mentir. Elle ne voulait pas perdre la face en lui avouant que son fiancé était un parfait inconnu qui ne se démarquait que par sa lignée Eile.

Gareth eu presque un sourire triste lorsqu'elle lui annonça qu'il fallait mettre derrière eux cette nuit et ne plus jamais en parler. Mais il s'y attendait, et lui aurait dit la même chose, elle avait eu plus de courage que lui.

Par contre, il ne s'attendait pas au fait qu'elle était fiancée. D'abord, il se demanda s'il y avait vraiment quelqu'un capable de la supporter. Enfin bon... elle était promise à quelqu'un donc. Pourquoi avait-elle passé la nuit avec lui alors? N'était-elle pas vraiment amoureuse de son fiancé? Il ne lui poserait pas ces questions de toutes manières, il n'en avait pas le droit. Gareth se contenta d'un sourire un peu forcé.

"Je ne t'ai pas demandé de me promettre quelque chose Gwen..."

Il chercha alors ses mots...

"Il s'est passé ce qu'il s'est passé, ne regardons pas en arrière et allons de l'avant. Je prierai pour que tu sois heureuse..."

Il sourit à nouveau et lui déposa un baiser sur la joue. Puis il s'assit sur le rebord du lit en quête de ses vêtements. Ce qu'il venait de lui dire, lui coûtait bien plus qu'il ne le pensait.

Gwenliann tourna les yeux vers lui. Elle ne savait pas si elle se sentait soulagée qu'il prenne la nouvelle aussi bien, ou si elle était déçue qu'il ne semble pas s'en offusquer. Elle tomba dans le mutisme tandis qu'elle essayait de faire la part des choses en son for intérieur. Quoi qu'il en soit, c'était toujours mieux qu'elle lui ait dit... Et comme il venait de le dire, ils ne s'étaient rien promis l'un l'autre. Ils pourraient donc se contenter de ce consensus entre eux.

La jeune femme se glissa doucement derrière lui et l'enlaça doucement, croisant ses bras blancs autour de sa taille comme pour l'empêcher de partir et de s'éloigner un peu plus. Elle posa sa joue sur son épaule et murmura doucement à son oreille :

" Mais c'est la nuit la plus fabuleuse que j'ai passé... "

Elle déposa un léger baiser au creu de son cou, comme un chaste baiser d'adieu, la conclusion de leur courte relation. La jeune femme releva doucement les yeux. Le soleil commençait à poindre avec plus de ferveur au dehors. Ils n'avaient pas pu arrêter la course du temps, il continuait son cours, ignorant de leurs tourments respectifs. Ils avaient seulement réussi à voler cette courte nuit.

Gareth cherchait ses vêtements, mais tentait en même temps de cacher son désarroi. C'était fini, bel et bien fini. C'était la fin de cette nuit, une relation brève mais intense. Il mit enfin la main sur son boxer, quand il sentit Gwenliann se blottir contre lui, et lui murmurer de tendres paroles. Il eut un sourire.

"Moi aussi, cette nuit était merveilleuse."

Il l'enlaça avec douceur et lui fit un baiser sur le front, comme pour sceller à son tour cette relation éphémère. Puis il se leva un peu en titubant, la courte durée de sommeil ne l'avait pas reposer de ses ébats amoureux avec Gwenliann; il commença à se rhabiller. Gareth n'osait pas la regarder, il avait peur de fondre une nouvelle fois dans ses bras en la voyant.

Qui aurait cru qu'il passerait une telle nuit avec elle? Alors que les deux se détestaient cordialement... Et maintenant, lorsqu'ils se croiseraient dans les couloirs, quelle serait leur relation?

Voyant qu'il se rhabillait, Gwenliann se résolut à faire de même. Elle se glissa hors des draps à la recherche de ses sous vêtements qu'elle trouva éparpillée au pied du lit.

" Ton offre d'un petit déjeuner ensemble tient toujours ? " demanda t elle en réajustant la bretelle de son soutien gorge.

Elle leva les yeux vers lui. Un léger sourire mutin s'égarait sur ses lèvres comme si elle lui avait proposé de remettre ça une dernière fois avant de partir. Mais c'était juste une étape intermédiaire chez elle. Elle se ferait taquine, mais tout de même tendre. Et dès qu'elle aurait mis un pied en dehors de son appartement, elle retrouverait son air suffisant et fier qu'elle arborait habituellement. Et ce serait totalement fini.

Il lui faudrait encore quelques heures de réflexion pour commencer à en nourrir un certain regret. Elle était sensée le détester, le haïr du plus profond de son être. Comment pourrait-elle encore lui faire croire qu'elle le détestait toujours autant après cela ? Après lui avoir demandé de lui pardonner... Mais son esprit n'en était pas encore à penser à tout cela. Le temps et son incroyable mauvaise foi ferait le reste...

Gareth enfila son pantalon pour enfin redevenir un peu plus décent. Il mit une chemise blanche qu'il ne ferma pas tout de suite. Il aimait bien rester un peu libre de ses mouvements avant d'enfiler le costume serré du professeur. Il la regarda en souriant.

"Bien sûr que cela tient toujours, je vais aller le préparer tout de suite."

Jetant quelques affaires sales qui traînaient dans une corbeille en osier, il s'en alla faire de la place sur la table de sa salle à manger. C'était toujours aussi dérangé chez lui, et parce que Gwenliann était là, il semblait s'en soucier. En fait, il était rare que quelqu'un vienne dans son appartement, surtout une femme, donc il ne s'occupait pas trop du rangement. Enfin, c'était surtout une grande feignasse ce Gareth!!

Mais prendre le petit-déjeuner avec elle après cette nuit, était une bonne chose selon lui, pour permettre un palier à la séparation. Mais déjà il le savait, lorsqu'elle aurait franchie sa porte, elle redeviendrait tout comme d'habitude et lui... ressentirait une sorte de vide...

"Thé, café, lait? demanda-t-il de la cuisine."

Pendant ce temps, Gwenliann finit de se rhabiller et remit un peu de tenue dans ses cheveux. Puis elle entreprit de rejoindre Gareth en évitant le bazard qui jonchait le sol. A côté, son appartement aurait pu passer pour celui d'une maniaque. Tout y était impécablement rangé et elle avait fait quelques arrangements pour avoir plus de lumière. Ne supportant pas la sensation d'enfermement, elle avait fait remplacé les fenêtres par de grandes baies vitrées, y compris au plafond. Ainsi, depuis sa mezannine, elle avait l'impression de dormir avec la voute étoilée comme seule couverture.

" Du thé... " répondit elle.

Elle ne savait pas trop quoi faire, se sentant soudain plus à sa place. Alors en attendant, elle se décida à s'assoir. Mais à rester immobile, elle sentait la morosité remonter en elle. Et le seul moyen qu'elle trouva pour la combattre fut d'être... un tantinet désagréable...

" Je compte sur ta discrétion, Toya... Je n'aimerai pas que cette histoire s'ébruite et finisse par remonter jusqu'aux oreilles de mon clan... "

Même si elle paraissait plus distante, on sentait dans sa voix une certaine contrariété mais qui n'était pas dirigée vers lui. Elle semblait inquiète même. Elle tourna les yeux vers lui, son regard était fiévreux, mais pas le même genre de fièvre qui s'était emparée d'elle durant la nuit.

Il mit de l'eau à chauffer et entreprit de sortir deux tasses, des cuillers et un tas de denrées pour le petit-déjeuner. Il y avait du beurre, du pain frais, de la confiture de framboise qu'il aimait tant. Gareth n'était pas un gourmet, mais appréciait la bonne nourriture, et se faisait toujours un gros petit-déjeuner le matin, car parfois à cause du travail il ne pouvait déjeuner le midi.

"Quelque chose ne va pas? demanda-t-il en voyant la mine de Gwenliann."

Il mit les couverts sur la table et ouvrit une boîte à thé dans laquelle se trouvait plusieurs sachets de différents goûts et parfums.

Gwenliann passa une main dans ses cheveux, comme pour se donner le temps de réfléchir à sa réponse. Elle se releva et pendant l'espace d'un instant, elle eut le vif désir de s'enfuir en courant, de sortir de cet appartement et de claquer la porte en même temps que de claquer la porte vers ce souvenir. Mais cette impulsion de dissipa aussi vite qu'elle était venue. Elle se rapprocha donc de la table. Son regard se faisait fuyant, ce qui était rare chez elle. Mais elle semblait tout de même agitée.

" Non, rien... Oublions ça, tu veux ? " répondit elle d'une voix légèrement radoucie.

Elle leva les yeux vers lui et força un sourire. Mais elle était très mauvaise pour jouer la comédie, l'anxiété se battait avec la sincérité sur les traits de son visage. La lueur d'un objet sur le sol attira son attention et elle saisit cette occasion pour changer de focalisation. Elle se baissa rapidement pour ramasser son poignard et le glissa à nouveau dans sa botte. Son geste semblait precipité mais restait toutefois emprunt de naturel, comme si elle avait fait ça toute sa vie.

Gareth la regardait de côté tandis qu'il achevait de dresser la table du petit-déjeuner. Il ne broncha pas lorsqu'elle ramassa son poignard. Puis il alla chercher l'eau chaude et servit Gwenliann.

"Nous ferons comme tu le désires, répondit-il d'un air un peu absent."

C'était un peu une phrase toute faite qu'il avait dit, qui pouvait signifier beaucoup de choses comme rien du tout. Cela résumait assez bien les pensées chaotiques qui s'agitaient dans l'esprit de Gareth. Enfin... ils prendraient le petit-déjeuner ensemble, et après ce serait fini, tout redeviendrait comme avant... ou presque.

Préparant ses tartines, il se trouva qu'il n'avait plus grand-chose à dire... Finalement... aurait-il pu avoir une véritable relation avec elle?

Le silence s'installa peu à peu entre eux. Le même sentiment commença à s'emparer de Gwenliann. Finalement, heureusement qu'ils n'avaient pas eu à parler la veille. Ils avaient vraiment peu de choses à se dire. Et sans doute avaient-ils encore moins de choses en commun. Elle l'avait pensé, à une époque, mais cette situation qui se faisait assez embarassante, elle devait le dire, lui confirmait que ce n'était sans doute pas le cas.

" Parfait... C'est mieux ainsi... " dit elle.

Ses paroles, bien que soufflées doucement, pouvaient donner l'impression que sa suffisance et son caractère hautain refaisaient surface. Peu à peu. Sa fierté agissait presque d'elle-même et lui indiquait qu'il était temps de commencer à reprendre des distances. Il serait mieux que ce soit elle qui commence à paraître froide, elle n'aurait pas à souffrir qu'il fasse la même chose avec elle.

Mais sa phrase, jetée comme ça, presque avec indifférence, ne montrait-elle pas qu'il avait déjà lui-même commencé à prendre ses distances ?

" Tu as une grosse journée aujourd'hui ? " demanda t elle sur un ton anodin, presque par pure politesse.

Gareth soupira intérieurement. Il valait mieux que tout s'arrête ce matin. Il resta un instant silencieux, le temps de manger un morceau de sa tartine et de boire un peu de thé. Elle aussi, prenait ses distances. Cette boucle était définitivement bouclée, les voilà presque redevenu de simple collègue prenant le thé ensemble.

"Ca devrait aller, répondit-il en esquissant un sourire. Heureusement, sinon je crois que je m'endormirai devant mes élèves..."

Cette blague était aussi nulle qu'idiote, mais c'est presque la seule chose qu'il avait trouvé à dire, pour éviter que la conversation ne s'enfonce dans la banalité.

"Sers-toi si tu as faim... dit-il pour couper court. Et toi ta journée?"

Cette conversation ne menait à rien, mais... Sans doute ne pouvait-il parler de rien d'autre. En fait, ils n'avaient vraiment rien à faire ensemble. C'était mieux que cela ce soit résumer à une seule nuit.

Ce n'est qu'avec un demi-enthousiasme que la jeune femme obtempéra et se servit de quoi déjeuner. Mais elle n'avait plus très faim. Quelque chose la rongeait déjà. Mais elle essaya de faire passer ça en avalant une gorgée de thé. Non sans difficulté car sa gorge était serrée.

" Je n'ai cours que ce matin... J'aurai le temps de faire une sieste dans l'après-midi... " dit elle d'un ton anodin.

Elle fit tourner son doigt sur le bord de sa tasse d'un air distrait. Les yeux plongés dans son thé, elle semblait ailleurs. Son visage était un véritable champ de bataille, on y lisait un entrelac de sentiments divers. Elle n'arrivait pas à faire la part des choses et cela la rendait folle. Et la pensée qu'elle était promise à quelqu'un d'autre, qu'elle ne connaissait même pas, achevait de mettre ses pensées sans dessus dessous.

" Je nous trouve incroyablement pathétiques... " dit elle alors, comme si elle avait exprimé ses pensées à voix haute sans s'en rendre compte.

Mais en levant les yeux, elle eut un très léger sourire, à moitié sincère mais aussi teinté de cette arrogance qui lui était propre. Défi ? Sarcasme ? Ironie légère ? Difficile de dire ce qu'elle entendait par là et ce qu'elle attendait de Gareth. Oui, elle semblait malgré tout attendre quelque chose mais n'était même pas sûre de savoir quoi.

Gareth eut un petit rire en reposant sa tasse de thé. Son rire semblait moqueur, mais il semblait rire de lui-même. Il garda les yeux fixés vers l'eau colorée et fumante pendant quelques instants puis leva son regard vers elle.

"Je crois que tu as raison. Je ne me suis jamais senti aussi stupide qu'en cet instant. Enfin... c'est bien la première fois que je me retrouve dans cette situation..."

Il devait l'avouer, des femmes qui lui rendaient visite pendant la nuit pour l'assassiner et pour au final faire l'amour avec elle... Il n'y en avait pas trente-six...

"Mais que veux-tu que l'on fasse?"

C'était une question à laquelle il n'avait pas la réponse. Et il ne pensait pas que Gwenliann puisse lui répondre également...

La jeune femme fit tourner sa cuillère dans son thé, histoire de se donner du temps. Ce geste l'apaisait légèrement aussi, tandis qu'elle suivait le mouvement de l'eau aromatisée qui faisait de petits remous dans la tasse. Elle passa une main dans ses cheveux - sans doute au moins la quatrième fois en dix minutes. Elle était nerveuse et c'était assez apparent.

" Et si on se retrouvait tous les soirs pour remettre ça ? Qui sait, ça pourrait être drôle... " dit elle, d'un ton sarcastique qui montrait qu'elle ne pensait pas ce qu'elle disait.

Du moins en apparence. De l'extérieur, cela semblait être une perche tendue au jeune homme pour voir sa réaction. Elle leva légèrement les yeux, avec un vague air de défi, comme pour voir ce qu'il allait dire ou faire. Son regard reflétait une certaine curiosité.

Mais ne risquait-elle pas de lui refermer la porte au nez juste après lui avoir ouvert en grand ? Elle se gardait cette possibilité de côté, au cas où la situation ne tournerait pas de la manière qui lui conviendrait le mieux. A savoir, une situation qui ne risquerait pas de la faire passer pour le dindon de la farce. Elle ne le supporterait pas...

Gareth haussa les sourcils. Il ne s'attendait pas à une telle proposition de la part de Gwenliann, elle qui était censé le haïr du plus profond de son être. Mensonge ou vérité? Tentait-elle de l'humilier ou y'avait-il un soupçon de véracité dans ce qu'elle disait? Il reposa sa cuillère sur la table sans aucune douceur, cette phrase l'avait agacé.

"Tu m'insultes Gwenliann. Je ne suis pas du genre à profiter d'une femme et encore moins à céder à ses caprices. Ce qu'il s'est passé hier soir, c'était une envie physique pure et simple, il y avait un contexte particulier. J'ai simplement laissé déborder tout ce que j'avais pu ressentir pour toi."

Il ne comprenait pas une telle réaction. Si elle avait des sentiments pour lui, c'était sans doute trop tard pour s'en rendre compte.

"Et cela ne se reproduira plus."

Son ton était ferme et net. Il s'était complètement laissé avoir par le charme de cette femme. Son coeur était d'autant plus troubler qu'il éprouvait quelque chose de très particulier pour Selena. Que penserait-elle de lui si elle apprenait qu'il avait passé la nuit avec Gwenliann?

Gwenliann fut assez étonnée par la réaction de Gareth. Elle ne s'était pas attendue à ça, elle devait bien l'avouer. Le jeune homme lui avait bien montré qu'il était capable de s'énerver mais elle aurait pensé qu'il prendrait le sujet de manière laconique.

Presque avec un air de défi, elle leva alors un sourcil présomptueux et le fixa droit dans les yeux, soutenant son regard avec fierté.

" Tu en es sûr ? " dit elle alors d'une voix suave mais pleine de sarcasme.

Elle semblait douter de la bonne volonté du jeune homme à résister à ses caprices. Mais elle devait avouer qu'elle aimait beaucoup le Gareth en colère. Elle découvrait une nouvelle facette de sa personnalité et cela avait de quoi attiser sa curiosité. Voire même un peu plus.

" Je suis néanmoins ravie d'avoir pu t'aider à "libérer" ce que tu as ressenti pour moi auparavant... Si ça se résume en une nuit, nous n'avons pas perdu grand chose quand je t'ai fait comprendre que je n'étais pas intéressée... Et nous avons bien rattrapé ce temps perdu ! "

Son ton était insolant, clairement provocateur. Elle n'était pas blessée qu'il lui ferme lui-même la porte qu'elle avait voulu lui claquer au nez. Mais sa fierté, elle, en était écorchée. Elle se sentait vexée. Elle but calmement une gorgée de thé brûlant, comme si le contexte se prêtait toujours à un agréable petit déjeuner. Mais elle avait bien pourri l'ambiance avec ses insinuations.

" Tu es un drôle de mec... Je connais peu de célibataires qui refuseraient un peu de plaisir pour égayer leurs nuits de temps à autre... "

Gareth reprit sa cuillère et entreprit de mélanger son thé, mais hélas il n'y en avait déjà plus. Ne trouvant pas le temps pour réfléchir, il jugea qu'il était temps de mettre un terme à ce petit-déjeuner.

"Tu ne comprends absolument rien Gwen. Même si je t'ai aimé, cela ne m'avancerait à rien de coucher avec toi un ou deux soirs dans la semaine. Je ne suis pas ce genre d'homme. Il s'est passé quelque chose cette nuit, je ne le regrette pas. Mais à présent, tout cela est fini. J'ai envie de trouver une vraie compagne dans ma vie et non une compagne de jeu."

Il eut un faible sourire.

"Et cela tu ne veux ni ne peux me l'apporter..."

Le regard de Gwenliann se durcit. La jeune femme avait été piquée au vif. Insinuait-il qu'elle ne pouvait pas devenir quelqu'un de fiable, quelqu'un de constant aux côtés d'un homme ? Il était vrai que la condition d'"épouse" qui l'attendait à la suite de son mariage arrangé la répugnait. Parce qu'elle savait qu'elle perdrait une partie de sa liberté, pour quelqu'un qu'elle ne connaissait même pas et qu'elle n'aimerait probablement jamais. Elle serra les poings et les lèvres, vexée au plus profond d'elle-même. Elle avait le sentiment d'être sous-estimée.

Lentement, elle reposa sa tasse encore à moitié pleine. Elle semblait avoir perdu sa verve car un lourd silence s'interposa. Il fut seulement brisé par le bruit du raclement de sa chaise lorsqu'elle se leva. Son visage était fermé, inexpressif. Un véritable masque camouflait ses sentiments. Mais son regard trahissait tout de même de la colère. Elle avait le sentiment qu'il venait de lui cracher au visage.

" Si je n'ai rien à t'apporter, alors je n'ai plus rien à faire ici... " déclara t elle d'une voix blanche.

Récupérant ses dernières affaires qui trainaient, elle se dirigea vers la porte qu'elle claqua brusquement derrière elle.