On n'est jamais mieux servi... [libre]

"Vous êtes le meurtrier !"

Une main sur la hanche, l'autre lancée dans un geste accusateur, Faerin faisait dignement face à...son miroir. Ce n'était pas parce que personne ne lui avait encore confié d'enquête qu'elle ne devait pas s'entraîner à dénoncer les coupables. Une fois satisfaite de sa diction et de sa pose, la jeune femme finit de coiffer ses cheveux, enfila son manteau qu'elle ajusta correctement, vérifia qu'elle avait tout le matériel nécessaire, et quitta sa chambre.

En descendant elle salua "rapidement" Mme Linenbook avant de prendre la porte et de se diriger vers l'université d'Istya. Aujourd'hui elle ne travaillerait pas à la boutique : elle avait décidé d'aller dénicher des clients elle-même. Mais n'ayant pas trop envie de faire le tour des tavernes de la ville, elle avait plutôt opté pour un tour à l'université, où il se passait "forcément" plein de choses très intéressantes.

Une fois sur place, elle fut tout d'abord frappée par la taille du lieu. Elle ne s'était jamais approchée de si près, et ne pensait pas qu'un simple lieu d'études pourrait faire cette taille. Mais sans perdre sa contenance, elle avança à grands pas, la tête haute, jusqu'à un hall. Là, elle enleva gracieusement ses lunettes, qu'elle rangea dans une des poches de son manteau, et se posa là, les bras croisés, un air incrédule sur le visage.

*En fait, je fais quoi maintenant ?*

Plantée là comme une vulgaire touriste perdue, elle attendait désormais une aide quelconque, que ce soit de la part d'un professeur ou d'un possible concierge, ou même d'un élève, même si elle aurait enragé de devoir se faire aider par un "mioche".

Fort heureusement pour elle, ce ne fut pas un mioche qui débarqua dans le hall en même temps qu'elle.

Un jeune homme d'une vingtaine d'année, à l'allure aussi arrogante que douce, entra, un papier blanchâtre à la main. Il tenait la feuille d'une main nonchalante, et son regard d'abord se porta sur le grand escalier qui montait dans les étages supérieurs.
Il était vêtu d'un long manteau de cuir noir sur lequel étaient accrochés de petits osselets. En parfait contraste, il portait dessous une chemise blanche, légèrement échancrée, et sans prétention. Sa tenue trahissait une impression d'étrangeté et de malaise.

Il s'arrêta quelques secondes, prit une petite respiration et se tourna, un sourire narquois aux lèvres :

"Dépêchez-vous messieurs, je vous paye assez cher pour que vous puissiez muscler vos corps d'athlète, non ?"

Entrant péniblement dans le hall de l'université, deux hommes portaient un énorme piano. Leur visage rougi était tendu par l'effort, leurs muscles semblaient pouvoir céder à tout moment. Ils maudissaient l'homme qui les avait embauchés pour un tel travail, il les prenait pour ses esclaves !

Loin de vouloir les aider, Linéar avança vers la loge du concierge, et arriva bientôt à la hauteur de la détective. Il ne lui accorda qu'un petit regard et appuya sur la petite sonnette... Personne.

Accordant enfin un peu plus d'attention à la jeune fille, il lui demanda :

"Seriez-vous du coin ? Vous ne semblez pas assez mûre pour être un professeur mais vous pourriez être une élève qui a beaucoup redoublé..."

souffla-t-il d'une voix suave.

Tout en attendant plantée comme une cruche, Faerin se disait qu'elle n'aurait pas aimé étudier ici. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle trouvait ça trop...pas pour elle. Surtout quand elle aperçut un homme a l'air antipathique se moquer de ceux qui transportaient un piano sans doute bien trop lourd pour être porté à deux. Et il lui paraît d'autant plus insupportable quand il osa imaginer qu'elle avait l'allue d'une pauvre étudiante ratée. Se plaçant bien en face de son interlocuteur et plantant son regard dans le sien, elle lança, non sans condescendance :

"Et vous êtes ? Si vous n'êtes qu'en charge du déménagement du mobilier de l'université, ce n'est pas à vous que je cherche à m'adresser. J'ai besoin d'un entretien avec la rectrice."

Toujours les bras croisés, la jeune femme ne lâchait pas son vis-à-vis du regard. Elle n'était pas habitué à se faire dénigrer de la sorte par le premier venu, et si elle n'avait qu'une seule envie qui était de repartir d'où elle venait, elle se disait cependant que maintenant qu'elle était là, dans ce hall, il fallait qu'elle aille jusqu'au bout. Elle espérait au moins que sa petite remarque ferait son effet ; il n'avait pas l'air d'un bête contremaître, mais elle voulait bien lui faire sentir qu'il ne devait pas se méprendre sur sa condition. Cette réplique lui restait définitivement en travers de la gorge, bien qu'elle tentait de ne rien laisser transparaître.

Linéar afficha un petit sourire empreint de satisfation et de malice. Il y avait une tension permanente chez lui entre ce sourire qui ornait souvent ses lèvres et le froid qui remplissait ses yeux. Il répondit toujours d'un ton velouté :

"Nous concordons, je cherche justement la rectrice... Je suis Linéar Normon, propriétaire du Dan'Mark, magasin de musique... Melle Dragomir m'a passé une commande..."

L'un des hommes poussa un cri de douleur : il s'était froissé un muscle en tenant l'énorme piano. Son compagnon le supplie de ne pas lâcher prise : s'ils tombaient l'instrument, Mr Normon ne les payerait pas, bien au contraire.

"... et je m'emploie à la satisfaire..."

acheva Linéar, ignorant superbement les deux hommes qu'il avait employés pour l'occasion.

Mais il tourna la tête vers eux, et d'un ton suave :

"Cela ira comme ça, messiers, vous pouvez disposer..."

Les deux hommes posèrent le piano à terre, se demandant pourquoi leur employeur leur donner congé... Il allait enfin mouiller sa chemise pour le transporter ?
Prenant soudain un air plus sérieux, les yeux de Linéar se plissèrent, et le piano se souleva à quelques millimètres du sol et il avança vers lui : télékinésie, c'était l'un de ses pouvoirs.
Les deux déménageurs ouvrirent de grands yeux, comprenant qu'il s'était moqué d'eux, il aurait pu les aider dès le début !

"Il me semble que vous avez encore du travail, Mr Darson attend ses basses pour ce soir, dépêchez-vous..."

ordonna-t-il plus fermement. Puis il leur tourna le dos pour observer la jeune fille :

"Suivez-moi, vous avez plus de chance de tomber sur Hildegarde Dragomir en me suivant qu'en restant seule..."

lui proposa-t-il, retrouvant son sourire malin.

L'homme qui se trouvait face à Faerin l'insupportait un peu plus chaque minute qui passait.La réplique désagréable de la jeune femme ne l'avait pas fait fuir, au contraire. Et il continuait à lui parler, toujours d'un ton qui paraissait supérieur aux oreilles de Faerin. Son attention fut cependant détournée un instant par le cri d'un des deux porteurs, qui tenait néanmoins bon. Et devant ce spectacle, son interlocuteur ne trouva bon que de faire une petite démonstration de son pouvoir de télékinésie.

*Donc je récapitule : arrogant, feignant, musicien. Y a des gens comme ça, ils ont tout pour me déplaire.*

Mais elle sentait qu'elle allait devoir le suivre. Il avait rendez-vous avec la personne qu'elle était venue voir. Un rendez-vous, voilà une chose à laquelle elle n'avait pas du tout pensé ce matin. Et tout en maudissant tous les professeurs de musiques de la planète et celui qui avait créé les rendez-vous, elle prit un air plus ou moins aimable et annonça d'un ton le plus courtois possible :

"Eh bien je pense que vous avez raison ; je vais vous laisser me mener à elle si vous le voulez bien."

Quoiqu'insupportable, Linéar était un homme lucide. Il savait quel effet il exerçait sur les gens qu'il rencontrait. Un mélange de dégoût, de haine, de colère et de gêne les prenait à la gorge. Chez la jeune femme, il sentait un agacement profond, proche de la répugnance. Mais cela n'avait pas d'importance pour lui : il en était ainsi depuis son plus jeune âge et c'était même l'un de ses petits plaisirs personnels. Semer l'exécration et le mépris, parce que les gens animés de tels sentiments n'étaient pas heureux.
Et il aimait tellement les gens malheureux. Twisted Evil

"Et que diable voulez-vous à Madame la rectrice ?"

s'enquit Linéar d'une voix douce. Son visage prit un air plus innocent, il voulait ménager son interlocutrice pour ne pas la fermer à la discussion. Il avait toujours été d'une nature un peu... curieuse.

Le piano flottait doucement derrière eux, au desssu du sol, et il les suivait. Linéar guida Faerin jusqu'à un escalier qui grimpait dans les étages supérieurs. L'instrument de musique poursuivit son avancée, grimpant les marches avec minutie. Linéar n'avait pas besoin de le regarder pour le guider, il le sentait dans l'espace.

"C'est plutôt rare de voir une citoyenne demander une entrevue. Vous n'êtes pas de famille, vous n'avez pas été et n'êtes pas étudiante, et semblez venir... à l'aventure."

conclut-il, tandis que son regard s'attardait sur elle pour la jauger, comme il aurait découpé un insecte au scalpel.

Suivant l'homme, Faerin tentait de reconsidérer le sentiment d'agacement qu'elle ressentait en sa compagnie. Mais rien n'y faisait, elle le trouvait toujours aussi antipathique, même lorsqu'il s'adressait à elle un peu plus "gentiment". C'était peut être juste sa tête qui ne lui revenait pas finalement. Faerin n'avait pas pour habitude d'apprécier grand monde en temps normal, alors cela ne lui faisait pas grand chose, mais elle se demandait bien pourquoi elle avait une perpétuelle envie de lui en coller une. Cependant, en jeune femme polie, elle consentit à répondre à Linéar :

"On n'ouvre pas assez l'esprit des jeunes magiciens de nos jours. Je suis ici pour requérir la création d'une section de divination dans ce lycée. Cette magie ne relève pas que du don, et il est important de pouvoir se référer à des choses moins terre à terre de temps à autres."

C'était bien évidemment faux, mais elle ne comptait pas avouer quelle était venue pour quémander des enquêtes à droite à gauche puisque son affaire ne se décidait pas à décoller d'elle-même. Ajouté à ça, elle avait tiqué sur le terme "à l'aventure". Ainsi, c'était comme ça qu'il comptait la considérer ? Elle préférait faire bonne impression, même si elle ne risquait pas de le revoir de si tôt, ne fréquentant pour ainsi dire jamais les magasins de musique. Elle n'était en effet pas plus mélomane que bonne musicienne ; ou plutôt, ses compétences dans la matière étaient aussi précises que ses talents de divination, et elle sentait autant les esprits que le rythme par intermittence. Voulant changer un peu de sujet, Faerin lança :

"Où est le bureau de la rectrice ? En haut de toutes ces marches ?"

"Moins terre à terre... Voilà un dossier en béton armé pour convaincre la rectrice de la faculté la plus prestigieuse du pays..." lança cyniquement Linéar.

Il l'observa deux secondes, la jaugeant avec un regard supérieur. Des ses prunelles avides, on pouvait voir une pointe de perplexité et peut-être même d'agacement. Mais il retrouva bien vite une mine faussement enjouée, mélange de bien-être et d'arrogance.
Il était en proie d'une petite hésitation.... Etant télépathe, il pourrait se faufiler dans l'esprit de cette petite menteuse et satisfaire sa curiosité.

Mais Hildegarde Dragomir était une maîtresse du psychisme, et s'il commettait une telle violation de domicile spirituel au sein de son université, elle le sentirait. Et il n'avait pas envie de voir sa commande impayée en signe de représailles.

"Le bureau de la rectrice est au troisième étage..."

lança-t-il avec nonchalance. Quant à lui, il continuerait sa route pour ammener le piano jusqu'aux appartements du professeur.

» La tempête - Shakespeare n'aurait su faire mieux ! XD
» ...Ou, des fois, mieux vaut rester sagement sous ses couettes. [Sheyt']
» Un peu de calme [libre]
» Ils sont là... [Libre]
» Like a Virgin ! [Libre]