rixe entre joueurs de dés

C'est avec une impeccable toilette, tout beau tout classe, dans sa redingote blanche, que Jean était entré dans ce bar estudiantin.
Mais au bout d'un moment, à force d'avoir abusé du fameux "élixir" de l'endroit, il se retrouvait en chemise ouverte, une jeune fille sur les genoux, à jouer aux dés avec une bande de jeunes désoeuvrés.

La fille - dont il avait déjà oublié le nom - le regardait avec un sourire béat et un peu figé.
Et pour cause, usant de son pouvoir de charme, c'était exactement ce qu'il lui avait demandé.

"Ah là là, je suis en veine aujourd'hui! Regardez moi ce jets de dés!" hurla t-il à la cantonade.

Et les dés furent jeté.

"7!! Encore?" s'exclamèrent ses partenaires de jeu.

"Et oui!" ricana t-il en embrassant la jeune fille. "Gertrude me porte chance, il faut croire, mettez vous aussi des filles sur les genoux, les enfants!"

D'une: la jeune fille ne s'appelait certainement pas Gertrude. Mais elle était bien trop ensorcelée par Jean pour y redire quelque chose.
De deux: truquant le hasard avec ses pouvoirs, Jean ne pouvait pas perdre.

Il empochait leur argent sans vergogne.
Jusqu'au moment où un gamin se leva, visiblement fâché, et se mit à,protester:

"C'est pas possssible que tu gagnes si souvent!" gueula t-il d'un ton ivre. "Tu triches, c'est pas posssible, je te dis! Rends nous nos pièces!"

Les lames, engainées au dos de Jean sortirent de moitié de leurs fourreaux avec un crissement inquiétant. Jean toisa l'étudiant avec un regard froid, et particulièrement méprisant:

"Il y a toujours des mauvais perdants autour d'une table, maintenant j'en connais un. Rassis toi tranquillement, ou dégage de là, mais cesse de me postillonner des menteries en pleine face."

Il avait dit tout cela d'un ton particulièrement calme, mais son oeil était meurtrier. Malheureusement, l'autre était trop imbibé pour avoir peur de quoi que ce soit. Il prononça quelques paroles magiques et fit apparaître une sorte d'hideuse créature faite de pierre et qui taillait près de trois mètres de haut.

"Ventredieu!" Jean se leva immédiatement, toutes lames sorties, dansant devant lui. La peste soit des etudiants en magie!

"Ne t'enflamme pas comme cela, petit," fit-il d'un ton haineux. "Cela va mal tourner. Et mes épées ne frapperont pas ta bestioles, je te l'assure, mais ta damnée chair molle de mauvais joueur! Veux tu vraiment me forcer à porter un corps à la morgue ce soir?"

Un Golem de pierre, face aux trois lames de Jean, l'ambiance était tendue. C'était peu de le dire.

(allez, joueurs, intervenez donc!^^)

La situation risquait de dégénérer rapidement. Syd était assis au comptoir en compagnie de quelques marins qui lui faisaient connaître les derniers potins océaniques. Le jeune homme se retourna brusquement en entendant tout ce tintamarre : un milicien était aux prises avec un étudiant.

Syd ne portait pas la milice dans son coeur. Les miliciens avaient tendance à lui chercher des poux. Le jeune homme tenait une Agence d'Aventurier. Mais comme il travaillait avec des pirates, il était mal perçu par les forces de l'ordre. On le surveillait sans cesse, le menaçait de faire fermer sa petite entreprise au moindre heurt.

Aussi, il n'eut pas envie d'aider ce milicien à l'aspect débraillé.

* Ha ! Ils peuvent me juger ! Eux-mêmes jouent à des jeux d'argent et provoquent des bagarres... * pensa-t-il en grimaçant.

Le golem de pierre commença à s'agiter. Il frappa sans faire exprès un homme qui décolla jusque dans le grand miroir vitré derrière le bar. (Dédicace à Lucky Luke) Un vent de panique souffla dans le bar et les clients commencèrent à fuir.

Syd dut se coller au comptoir pour ne pas se faire entraîner pour le flot de buveurs.

Il était trop curieux, et trop téméraire pour les fuir. Il avait envie de voir ce que cette confrontation allait donner. Peut-être qu'il serait même convié à la fête, qui sait ?

Il était dos au bar, les bras croisés devant lui observant le milicien et l'étudiant qui se faisaient face.

Ses lames virevoltant devant lui, ledit milicien se força au calme.
Par le sang! Cette chose de pierre venait de fracasser un client contre un miroir! L'étudiant était vraiment complètement ivre! Sa créature était presque incontrôlée.

"Monsieur," fit-il d'un ton autoritaire à l'étudiant. "Vous êtes désormais passible de coup et blessure sur un citoyen de la cité. Et ne me dites pas que ce n'est pas de votre faute, mais de celle de votre... Chose..."

Il jeta un regard en arrière. Le pauvre gaillard qui avait fini dans un miroir se relevait. Il n'y avait pas mort d'homme...
Les épées sabrèrent le vide, sifflantes.

"Faites moi disparaitre cette aberration, et on en reparle demain à tête reposé au Poste de Milice. Je suis le Capitaine Du Rouvre. Je vous attendrai. Nous serons certainement mieux disposés, tout deux, après une bonne nuit de sommeil..."

Il y eut ensuite une sorte de duel de regard. Un étudiant et sa bestiole de pierre face au nouveau capitaine de la Garde. Jean ne pouvait se permettre de perdre la face.
Considérant les lames qui sifflaient dans l'air, le jeune homme eut un air confus, et prononça finalement quelques mots qui firent disparaître sa créature. A ce moment, Jean eut une furieuse envie de dépecer vif ce malotru, mais il se retint. Il était Milicien.

"Votre nom, Monsieur."

L'autre lui répondit. Et le capitaine, espérant que nul ne verrait la sueur qui lui dégoulinait des temps, opina sévèrement du chef:

"Et bien, Monsieur Garwal, vous êtes convoqué au Poste demain à la première heu..." Il se reprit, il ne se lèverait jamais, demain matin. " Sur le coup de midi. Pétantes.Si vous ne venez pas vous serez immédiatement condamné et incarcéré pour trouble de l'ordre public et dommages à citoyens."

Il brodait un peu, ne se souvenant guère de la formulation exacte des "crimes" de l'étudiant. Mais cela fit néanmoins son effet... Le jeune aquiesça et s'en repartit tout penaud.
Et c'est d'un air particulièrement satisfait que Jean vint s'accouder au bar, juste à côté d'un jeune homme brun (Sid Sheol) pour commander un énième verre:

"Patron", fit-il au tenancier, tout sourire. "Une verre gratuit pour la Milice. Elle veille, quoi qu'on en dise. Vous avez vu comme je l'ai calmé, le petit élémentaliste? Vous devriez mieux surveiller vos clients."

Le patron s'exécuta sans oser rien dire. Mais il était clair au regard qu'il lança à Sid que le Milicien n'était pas pour rien dans tout ce chahut, selon lui.
Jean n'y vit que du feu, et se tourna vers Sid, histoire de se détendre avec une bonne discussion de comptoir:

"Le bonjour, Monsieur. jean du Rouvre, nouveau Capitaine de la Milice. Tranquilisez vous, vous êtes en sécurité désormais."

Grand sourire, légèrement ivre.

Syd acquiesça lentement. Le milicien avait calmé l'affaire, mais il était un petit peu à l'origine de l'affrontement.... Se sentir en sécurité ? En même temps, Syd avait plutôt l'habitude de l'incertitude et du danger.

"Vous avez été clément...."

répondit le jeune homme.

"L'ancienne patronne de la milice aurait tout de suite jeté cet étudiant au fer. Les vôtres ne nous ont pas habitués à autant de cliarvoyance."


Il choisissait des termes avantageux pour ne pas parler de laxisme. Syd voyait cela d'un bon oeil. Avec tous les ennuis qu'il avait eu avec les forces de l'ordre, un chef milicien plus coulant serait bienvenu pour ses petites magouilles.

Cependant dans son discours, on sentait bien l'opposition entre le "nous" et le "vous", comme s'ils appartenaient à deux clans distincts condamnés à ne jamais se mélanger.

"Vous venez d'arriver à Aïsthèsis, ou vous avez gravi les échelons ici ?"

demanda-t-il encore, curieux d'en savoir plus.

Peut-être que le milicien allait l'envoyer balader, mais son sourire un peu ivre était de bonne augure.

Accoudé à son comptoir, Jean se versa l'élixir que lui avait servi le tavernier dans le gosier d'un geste habitué. Puis il regarda bizarrement le jeune homme. Celui-ci ne s'était pas présenté, alors que Jean l'avait fait...
Bah! Cela devait être du fait de la distraction. Il avait dû être fichtrement impressionné par la façon dont le Capitaine avait réglé la situation de l'invocateur étudiant.

Il soupira, retrouvant son sourire aviné:

"Je viens de REVENIR en Aïsthèsis, pour tout dire... Car j'y ai fait mes études de magie, dans le temps."

De sacrés études, pour être exact. A l'époque, Jean avait été plus occupé à festoyer et jouer qu'à étudier. Il ne devait sa réussite qu'à une charmante professeur qui n'était pas insensible à son charme... Mais il valait mieux garder tout cela pour lui, non? Tout comme le véritable récit de l'obtention de son poste.
Il broda donc un beau mensonge, comme si souvent:

"J'ai ensuite fait partie des milices de diverses autres villes du monde. Les crimes que j'ai résolus, au péril de ma vie, ne se comptent plus. Je suis plutôt bon, dans mon domaine, voyez vous. Aussi ai-je vite obtenu un Poste de cet importance."

Un peu de vantardise, cela ne faisait jamais de mal.

"Vous dites que l'ancienne Capitaine régentait la cité d'une main de fer?" Une femme, Capitaine de la Milice? C'était n'importe quoi, songea t-il avec sa mysoginie coutumière. "Contrairement à ce que vous avez vu, je suis de la même trempe, figurez vous, mais il faut bien faire la part entre un étudiant qui a trop bu et un réel criminel. L'étudiant en question va m'entendre, demain, et écopera d'une amende qui remboursera les dommages fait ici. Mais je ne vois pas l'intérêt d'être trop dur avec lui. Ni avec aucun des citoyens d'Aïsthèsis que j'attrapperait à commettre une pécadille... Il faut que la Milice soit aimée, aussi. L'image, c'est important..."

Holà, l'élixir de ce bon vieux Calice de Vie le rendait bavard. Il ricana, et passa à autre chose:

"Je parle je parle. J'adore m'écouter parler, ce soir, semble t-il. Mais vous même, Messire l'inconnu, qui êtes vous donc? Un étudiant? Etudiant en quoi?"